Cohignac

Extrait de "Au Coeur du Haut-Vannetais"p240-241

En quittant l'ancien moulin à fouler de Kérédren, le Foulon actuel, la petite rivière de la Hélaye poursuit sa course tranquille vers l'océan entre deux coteaux fortement boisés; à gauche Kérédren, à droite Cohignac, maquis où naguère chasseurs et braconniers se disputaient un abondant gibier.

Pour jouir du pittoresque du vallon, il n'est que de prendre, sur la rive droite, le chemin cahoteux où il n'y a pas si longtemps passaient et repassaient les charrettes des joyeux "deriow" (1).

Une capricieuse rangée d'arbres le sépare du ruisseau qui se change bientôt en un marais où se mêlent les joncs et les vergeleu avec toute la flore aquatique spéciale de nos cours d'eau.

Le voici devenu un étang qui se butte à la chaussée d'où se manoeuvrent les vannes réglant les chutes sur les roues motrices. Il en est encore plusieurs de ces roues séculaires dont l'une tourne journellement.

Le chemin bifurque sur la droite. Derrière un fouillis se dissimule une jolie fontaine à niche et à pignon.

Mais il suffit de lever les yeux pour que tout disparaisse devant un spectacle inattendu. On se trouve tout à coup devant le plus antique, le plus beau peut-être des moulins de la contrée.

Massifs pignons extérieurs de cheminées pointant vers les nuages, lucarne à fronton ogival de toute beauté. Au pignon, portes et fenêtres à linteaux en plein cintre à moitié masquées par la chaussée.

A l'intérieur, belle cheminée au rez-de-chaussée. Au grenier, sous la charpente à versants très inclinés, une cheminée bouchée mais dont les montants sont faits de magnifiques pierres taillées.

En face, une route neuve monte, étroite et rapide. Elle a remplacé le chemin qui reliait le moulin au manoir.

De ce belvédère, on domine, à perte de vue, toute la vallée dans son décor sylvestre.

Ce qui reste de l'ancien château est encore important. Sur le bâtiment servant d'habitation figure en grand relief, bien détachées, les armes des Carné, l'écu à deux faces entouré du cordon de Saint Michel d'où pend la croix (médaille circulaire semblant porter un Saint Michel en relief), le tout sommé de la couronne comtale.

L'arc en accolade règne sur les ouvertures des bâtiments contigus où se voient quelques motifs sculptés. L'un d'eux est orné d'un simulacre de gargouille semblant représenter un cheval. Les deux piliers de l'entrée sont bien conservés(2).

C'est dans ce cadre grandiose et rustique à la fois que je voudrais faire revivre les anciens possesseurs de Cohignac ...

(1) Pour drille: valet meunier, pochonnier, livreur de farine.
(2) Le principal du manoir de Cohignac aurait été détruit après la Révolution.