France - 1850 - Victor Hugo contre la loi Falloux
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Victor Hugo contre la loi Falloux. Discours à l'Assemblée du 15 janvier 1850.
(Sources: Histoire 2de, Belin 1987, p 257)
lien: Discours complet.

Messieurs, toute question a son idéal. Pour moi, l'idéal dans cette question de l'enseignement le voici : l'instruction gratuite et obligatoire. Obligatoire au premier degré seulement, gratuite à tous les degrés. L'instruction primaire obligatoire, c'est le droit de l'enfant, qui, ne vous y trompez pas, est plus sacré que le droit du père (...)

Je veux, je le déclare, la liberté de l'enseignement, mais je veux la surveillance de l'Etat et comme je veux cette surveillance effective je veux l'Etat laïque, purement laïque, exclusivement laïque. Oh ! je ne vous confonds pas avec l'Eglise, pas plus que je ne confonds le gui avec le chêne. Vous êtes les parasites de l'Eglise, vous êtes la maladie de l'Eglise. Ne l'appelez pas votre mère pour en faire votre servante.

Ah! nous vous connaissons, nous connaissons le parti clérical. (...) C'est lui qui monte la garde à la porte de l'orthodoxie. C'est lui qui a trouvé pour l'orthodoxie ces deux étais merveilleux l'ignorance et l'erreur. C'est lui qui fait défense à la science et au génie d'aller au-delà du missel et qui veut cloîtrer la pensée dans le dogme. Tous les pas qu'a faits l'intelligence de l'Europe, elle les a faits malgré lui. Son histoire est écrite dans l'histoire du progrès humain, mais elle est écrite au verso. Il s'est opposé à tout.

(...) C'est lui qui a persécuté Harvey pour avoir prouvé que le sang circulait. De par Josué, il a enfermé Galilée ; de par Saint Paul, il a emprisonné Christophe Colomb. (...) Découvrir la loi du ciel, c'était une impiété, découvrir un monde, c'était une hérésie. C'est lui qui a anathématisé Pascal au nom de la religion, Montaigne au nom de la morale, Molière au nom de la morale et de la religion.

Et vous voulez être les maîtres de l'enseignement ! Il n'y a pas un poète, pas un écrivain, pas un philosophe que vous acceptiez... Si le cerveau de l'humanité était là devant vos yeux, à votre discrétion, ouvert comme la page d'un livre, vous y feriez des ratures. Je repousse votre loi. Je la repousse parce qu'elle confisque l'enseignement primaire, parce qu'elle dégrade l'enseignement secondaire, parce qu'elle abaisse le niveau de la science, parce qu'elle diminue mon pays.